Depuis 2005, de nombreuses personnes nous signalent que l’APA de personnes âgées est anormalement réduite lorsqu’elles quittent leur propre domicile pour un accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). . Jean BUFFO, administrateur de Famidac et fondateur de l’association "Accueil Familial en Tarn-et-Garonne", tenait à faire corriger cette anomalie. Il est malheureusement décédé en février 2006, d’une rupture d’anévrisme.
En sa mémoire, Francine BUFFO a tenu à poursuivre jusqu’au bout le procès qu’il avait engagé contre le conseil général de Tarn-et-Garonne, au nom de l’association et avec l’aide de son ami avocat, Maître Bernard Debaisieux. 8 ans après, il est grand temps pour les départements "fautifs" de corriger leurs erreurs d’interprétation des lois, au détriment de personnes âgées ou handicapées lésées pendant de si nombreuses années...
Résumé du jugement du 4 décembre 2012 :
Type de recours : excès de pouvoir - règlement départemental de l’aide sociale - dépenses à prendre en compte pour le calcul de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ... mais également de la Prestation de Compensation du Handicap (PCH), fondée sur le même principe.
S’il incombe aux départements d’organiser et d’assurer le financement des prestations sociales autres que celles relevant de la compétence de l’Etat, le pouvoir réglementaire qui leur est attribué leur permet seulement, sur le fond, de décider de conditions et de montants plus favorables que ceux prévus par les lois et règlements nationaux (article L.121-4 du code de l’action sociale et des familles).
Par ailleurs, les dépenses prises en compte pour déterminer le montant de l’allocation personnalisée d’autonomie sont énumérées à l’article R.232-8 du code de l’action sociale et des familles.
La délibération du conseil général ne retenant, comme charges à prendre en compte, que les « indemnités de sujétions particulières sujétions particulières L’indemnité en cas de sujétions particulières est, le cas échéant, justifiée par la disponibilité supplémentaire de l’accueillant liée à l’état de santé de la personne accueillie. » et des « frais spécifiques », lesquels ne sont pas au nombre des dépenses visées par l’article R.232-8 et, en revanche, excluant la rémunération des services rendus par l’accueillant, que cet article cite, méconnaît les limites du pouvoir réglementaire des départements comme les règles fixant le montant de cette allocation,
Enfin, l’article R.231-4 du même code prévoyant que le placement d’une personne âgée ou handicapée à titre onéreux chez un particulier donne lieu à une prise en charge, au titre de l’aide sociale, en considération d’un plafond constitué notamment par la rémunération et les indemnités de congés payés congés payés Les accueillants familiaux "de gré à gré" sont employés par des particuliers (les personnes accueillies). Pendant leurs congés, ils n’ont donc pas droit au maintien de leur salaire. En compensation, toute heure travaillée (y compris les heures de sujétions particulières) doit être majorée d’une prime pour congé payé de 10%. de l’accueillant, le département ne peut, sans méconnaître les limites de son pouvoir réglementaire et l’article précité, décider de limiter cette prise en charge au coût le plus élevé en structure privée sur le territoire de cette collectivité.
Ce jugement fait jurisprudence : plusieurs autres Départements qui, comme le Tarn-et-Garonne, ont méconnu ces règles devront réviser leurs pratiques.
De nombreuses personnes accueillies sont encore, et depuis trop longtemps, lésées de leurs droits ... au détriment de leurs accueillants. Si vous êtes dans ce cas, Imprimez cet article et adressez-le, avec un courrier d’accompagnement [1], aux services concernés !
Les décisions contestées peuvent être révisées à la demande de la personne accueillie ou, le cas échéant, de leurs représentants légaux.
Jugement N° 11BX01663, sans recours, rendu le 4 décembre 2012 par la Cour administrative d’appel de Bordeaux
Président : M. DRONNEAU
Rapporteur : M. Jean-Michel BAYLE
Commissaire du gouvernement : M. GOSSELIN
Avocats en présence : DEBAISIEUX
Vu la requête enregistrée sous forme de télécopie le 11 juillet 2011 et régularisée par courrier le 18 juillet 2011 présentée pour l’association "Accueil familial en Tarn-et-Garonne" dont le siège social est situé 4825 route de Vignarnaud à Montauban (82000), représentée par son président en exercice, par Me Debaisieux ;
L’association "Accueil familial en Tarn-et-Garonne" demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0603181 en date du 10 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du président du conseil général de Tarn-et-Garonne du 13 juillet 2006, refusant d’abroger la délibération de cette assemblée du 27 juin 2005 portant additif au règlement départemental d’aide sociale ;
2°) d’annuler la décision du 13 juillet 2006 ;
3°) d’enjoindre au président du conseil général, sous astreinte s’il y a lieu, de saisir cette assemblée aux fins d’abrogation de la délibération du 27 juin 2005 ;
4°) de mettre à la charge du département de Tarn-et-Garonne le versement de la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
(...)
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’action sociale et des familles ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 novembre 2012 :
- le rapport de M. Jean-Michel Bayle, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Olivier Gosselin, rapporteur public ;
- et les observations de Me Debaisieux, avocat de l’association "Accueil familial en Tarn-et-Garonne" ;
1. Considérant que, par délibération du 27 juin 2005, le conseil général de Tarn-et-Garonne a modifié le règlement d’aide sociale en ce qui concerne l’accueil en famille des personnes âgées ou handicapées, en décidant, d’une part, que l’allocation personnalisée d’autonomie allouée à un bénéficiaire accueilli en famille couvrira les dépenses liées à la dépendance, à savoir les indemnités de sujétions particulières et les frais spécifiques, d’autre part, que les dépenses couvertes par l’aide sociale seront limitées au coût le plus élevé d’un accueil en structure privée en Tarn-et-Garonne et qu’elles seront constituées de l’ensemble des frais portés sur les divers éléments du contrat pour les personnes handicapées et les mêmes frais pour les personnes âgées à l’exception des compléments pour sujétion déjà couverts par l’allocation personnalisée d’autonomie ; que, par le jugement du 10 mai 2011, contre lequel l’association "Accueil familial en Tarn-et-Garonne" forme régulièrement appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de cette dernière tendant à l’annulation de la décision du président du conseil général du 13 juillet 2006 refusant de saisir l’assemblée délibérante de l’abrogation de la délibération précitée ;
Sur la légalité de la délibération :
2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 121-3 du code de l’action sociale et des familles : " Dans les conditions définies par la législation et la réglementation sociales, le conseil général adopte un règlement départemental d’aide sociale définissant les règles selon lesquelles sont accordées les prestations sociales relevant du département " ;
qu’aux termes de l’article L. 121-4 de ce code : " Le conseil général peut décider de conditions et de montants plus favorables que ceux prévus par les lois et règlements applicables aux prestations mentionnées à l’article L. 121-1. Le département assure la charge financière de ces décisions... " ;
qu’en vertu des articles L. 232-2 et suivants du code mentionné ci-dessus et des articles L. 131-1 et suivants du même code, l’aide personnalisée d’autonomie et l’aide sociale constituent des prestations sociales dont la charge incombe aux départements ;
En ce qui concerne les dispositions relatives à l’allocation personnalisée d’autonomie :
3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 232-5 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002, alors applicable : " Pour l’application de l’article L. 232-3, sont considérées comme résidant à domicile les personnes accueillies dans les conditions fixées par les articles L. 441-1 à L. 443-10... " et qu’aux termes de l’article L. 442-1 de ce code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, applicable : " Toute personne accueillie au domicile d’un accueillant familial
accueillant familial
accueillants familiaux
Agréés pour prendre en charge à leur domicile des personnes âgées ou handicapées adultes n’appartenant pas à leur propre famille, les accueillants familiaux proposent une alternative aux placements en établissements spécialisés.
(...) passe avec ledit accueillant un contrat écrit... Ce contrat précise la nature ainsi que les conditions matérielles et financières de l’accueil. Il prévoit, notamment : 1° une rémunération journalière des services rendus ainsi qu’une indemnité de congé calculée conformément aux dispositions de l’article L. 223-11 du code du travail ; 2° Le cas échéant, une indemnité en cas de sujétions particulières ; 3° Une indemnité représentative des frais d’entretien courant de la personne accueillie ; 4° Une indemnité représentative de mise à disposition de la ou des pièces réservées à la personne accueillie... " ;
qu’aux termes de l’article R. 232-8 du même code : " L’allocation personnalisée d’autonomie est affectée à la couverture des dépenses de toute nature figurant dans le plan d’aide élaboré par l’équipe médico-sociale mentionnée à l’article L. 232-3. / Ces dépenses s’entendent notamment de la rémunération de l’intervenant à domicile, du règlement des frais d’accueil temporaire
accueil temporaire
Terme désignant un contrat d’accueil à durée déterminée, avec une date de début et une date de fin, prévoyant une prise en charge à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (de jour ou de nuit).
, avec ou sans hébergement, dans des établissements ou services autorisés à cet effet, du règlement des services rendus par les accueillants familiaux mentionnés à l’article L. 441-1 ainsi que des dépenses de transports, d’aides techniques, d’adaptation du logement et de toute autre dépense concourant à l’autonomie du bénéficiaire " ;
4. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que, pour l’attribution et la détermination du montant de l’aide personnalisée d’autonomie, la personne accueillie au domicile d’un accueillant familial doit être considérée comme résidant à domicile ; que l’aide personnalisée d’autonomie à laquelle cette personne peut prétendre doit couvrir, par application de l’article R. 232-8 précité du code de l’action sociale et des familles, les services rendus par les accueillants familiaux ; que, par suite, en décidant, par la délibération attaquée, que l’allocation personnalisée d’autonomie ne couvrira que les indemnités de sujétions particulières et les frais spécifiques, sans prendre en compte la rémunération des services rendus par les accueillants familiaux dans ce cadre, le conseil général de Tarn-et-Garonne, qui ne peut utilement se prévaloir de notes d’information du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité et du ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées, dépourvues de caractère réglementaire, a, en violation de l’article L. 121-4 de ce code, instauré un régime moins favorable que celui prévu par l’article R. 232-8 du code de l’action sociale et des familles et méconnu les dispositions de ce dernier article ;
En ce qui concerne les dispositions relatives à l’aide sociale à l’hébergement :
5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 231-4 du code de l’action sociale et des familles : " Toute personne âgée qui ne peut être utilement aidée à domicile peut être placée, si elle y consent, dans des conditions précisées par décret, soit chez des particuliers, soit dans un établissement de santé ou une maison de retraite publics, ou, à défaut dans un établissement privé. / En cas de placement dans un établissement public ou un établissement privé, habilité par convention à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale, le plafond de ressources précisé à l’article L. 231-2 sera celui correspondant au montant de la dépense résultant dudit placement. Le prix de la journée dans cet établissement est fixé selon la réglementation en vigueur dans les établissements de santé " ; qu’aux termes de l’article R. 231-4 de ce code : " Le placement à titre onéreux chez un particulier au titre de l’aide sociale donne lieu à une prise en charge déterminée par la commission d’admission à l’aide sociale, compte tenu : 1° D’un plafond constitué par la rémunération et les indemnités mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 442-1, le cas échéant selon la convention accompagnant l’habilitation à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale ; 2° Des ressources de la personne accueillie, y compris celles résultant de l’obligation alimentaire... " ;
6. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que, lorsqu’une personne âgée ou handicapée bénéficie d’un placement à titre onéreux chez un accueillant, la prise en charge à laquelle elle peut prétendre au titre de l’aide sociale, fixée par la commission d’admission à l’aide sociale, doit être déterminée en considération d’un plafond constituée par la rémunération des services rendus par l’accueillant et les indemnités de congé auquel ce dernier a droit, ainsi que, le cas échéant, l’indemnité pour sujétions particulières, telles que prévues par le contrat conclu entre la personne âgée ou handicapée et l’accueillant par application de l’article L. 442-1 du code de l’action sociale et des familles ; que, par suite, le conseil général de Tarn-et-Garonne ne pouvait, sans méconnaître l’article R. 231-4 de ce code, décider que la prise en charge par l’aide sociale des personnes âgées ou handicapées bénéficiant d’un accueil familial serait plafonnée au coût le plus élevé d’un accueil en structure privée dans le département ;
7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, l’association " Accueil familial en Tarn-et-Garonne ", dont la demande devant les premiers juges était recevable dès lors que la lettre du président du conseil général de Tarn-et-Garonne du 13 juillet 2006 révélait le refus de cette autorité de saisir l’assemblée délibérante de la demande d’abrogation de la délibération du 27 juin 2005, est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d’injonction :
8. Considérant que le présent arrêt implique que, nécessairement, le président du conseil général de Tarn-et-Garonne saisisse cette assemblée délibérante aux fins de lui soumettre l’abrogation de la délibération du 27 juin 2005 modifiant le règlement départemental d’aide sociale ; que, dès lors, il y a lieu d’enjoindre au président du conseil général de soumettre à l’assemblée délibérante l’abrogation de la délibération précitée ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que, dans les circonstances de l’affaire, il y a lieu de mettre à la charge du département de Tarn-et-Garonne le versement de la somme de 1.500 euros à l’association " Accueil familial en Tarn-et-Garonne " au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 mai 2011 et la décision du président du conseil général de Tarn-et-Garonne du 13 juillet 2006 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au président du conseil général de Tarn-et-Garonne de saisir cette assemblée délibérante de l’abrogation de la délibération du 27 juin 2005 modifiant le règlement départemental d’aide sociale.
Article 3 : Le département de Tarn-et-Garonne versera la somme de 1 500 euros à l’association " Accueil familial en Tarn-et-Garonne " en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Épilogue
Article 1er : L’article 2 de la décision de la commission centrale d’aide sociale du 22 janvier 2010 est annulé.
Article 2 : Les demandes d’interprétation présentées par le département de Tarn-et-Garonne devant la commission départementale d’aide sociale de ce département sont rejetées.
Article 3 : Le département de Tarn-et-Garonne versera à Mme E...et à M. C... une somme de 800 euros chacun au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au département de Tarn-et-Garonne, à Mme D...E...et à M. B...C....
- Le 28 juin 2013, le Conseil Général du Tarn-et-Garonne modifie enfin son règlement départemental d’aide sociale, en ce qui concerne l’APA et la PCH.
Article 1er : Le pourvoi du département de Tarn-et-Garonne est rejeté.
Article 2 : La contribution pour l’aide juridique est laissée à la charge du département de Tarn-et-Garonne.
Article 3 : Le département de Tarn-et-Garonne versera à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de l’association Accueil familial en Tarn-et-Garonne, la somme de 3 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au département de Tarn-et-Garonne et à l’association Accueil familial en Tarn-et-Garonne.
Par ailleurs, le conseil général avait, via la même délibération, posé des conditions d’attribution de l’aide sociale à l’hébergement (ASH) différentes de celles fixées par l’article R. 231-4 du CASF. Cette aide, lorsqu’elle est attribuée aux personnes placées à titre onéreux chez un particulier, est déterminée en considération d’un plafond constitué notamment par la rémunération journalière des services rendus par l’accueillant et l’indemnité éventuelle de sujétions particulières. Toutefois, le conseil général a plafonné la prise en charge par l’ASH des personnes accueillies "au coût le plus élevé d’un accueil en structure privée en Tarn-et-Garonne". Ceci, en méconnaissance de l’article précité. La délibération litigieuse doit donc être abrogée.