Résumé :
Octobre 2008 : suite à des accusations infondées, le service de suivi médico-social ne prend pas le temps de les vérifier : il évacue aussitôt la personne qu’accueille Valérie ; le Conseil Départemental du Finistère décide de suspendre son agrément.
Mais Valérie est adhérente de Famidac et bénéficie de notre assurance "Protection juridique des accueillants familiaux"
Ce Département est doublement condamné,
- le 3 juin 2009, à restituer son agrément à Valérie Chéhère et à lui verser 1.000 euros pour ses frais de Justice
- le 22 octobre 2015, à lui verser 8.469,49 euros en réparation de ses préjudices plus 1.500 euros pour ses frais de Justice.
Total : 10.969 € ... Le respect de la présomption d’innocence aurait permis
- à ce Département, d’économiser cette somme (assortie de lourds frais de justice)
- à cette accueillante familiale, d’éviter 7 années de tracas et de fastidieuses démarches...
Historique
Suspension d’agrément. La décision du département rejetée
Le Télégramme, 9 juin 2009 :
Valérie Chéhère, famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! à Châteaulin [Finistère] depuis deux ans et demi, s’était vue suspendre son agrément pour l’accueil d’une personne âgée handicapée par le conseil général du Finistère le 19 décembre 2008.
Saisi en référé, le tribunal administratif de Rennes, par une ordonnance en date du 3 juin, vient de rejeter cette décision.
Depuis le 1er août 2008, Valérie Chéhère accueillait une personne sourde et muette de naissance. Mais à la suite d’une plainte des soeurs de cette dernière, l’accueil avait été remis en cause par les services du Département. Le 3 octobre 2008, la personne handicapée avait été retirée de la garde de Valérie Chéhère. Celle-ci se retrouvait, de fait, privée de ressources et dans l’incapacité de trouver un autre travail. « Ne parvenant pas à savoir ce qu’on (lui) reprochait exactement » et « si une plainte avait été réellement déposée auprès du procureur de la République », la Châteaulinoise avait alors décidé de saisir la Justice.
Représentée par son avocat, Me Le Fur, de Brest, elle a déposé une requête en référé, le 29 mai dernier, devant le tribunal administratif de Rennes, pour obtenir la suspension de la décision du conseil général.
Jugement sur le fond dans quelques mois
Le juge des référés a donné droit à sa requête en retenant le caractère de l’urgence, « eu égard à la diminution des revenus » qu’entraîne cette décision pour le budget de cette famille de quatre enfants. Il relève aussi que le département n’a produit aucune pièce dans ce dossier.
« Le conseil général, rapporte Me le Fur, n’était ni présent, ni représenté à l’audience. Cette décision du tribunal va permettre désormais à ma cliente d’obtenir un nouveau contrat avec un agrément valide ». Le département devra lui verser 1.000 euros pour ses frais de Justice. Le jugement sur le fond interviendra dans quelques mois.
Cathy Tymen
Précisions de Famidac :
Article préliminaire du code de procédure pénale : « III. - Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d’innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi. »
Valérie, adhérente de Famidac, a été efficacement conseillée et soutenue par notre Assurance "Protection juridique des accueillants familiaux".
Personne ne lui a indiqué les faits qui lui sont reprochés ; nous ne nous prononcerons donc pas sur le fond - les motifs réels de cette suspension d’agrément - mais sur sa forme, car en accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). , la procédure de suspension d’agrément n’existe pas !
Le déroulement "normal" d’une telle procédure
- Une personne accueillie - dépendante et/ou souffrant de troubles mentaux - se plaint des conditions de son accueil auprès de tierces personnes. Les faits signalés sont-ils réels ou imaginaires ?
- Dans tous les cas, ses griefs doivent être entendus (en tête à tête) et leurs fondements vérifiés (recherche de preuves matérielles et de témoignages : proches, soignants, travailleurs sociaux, tuteur, voisins etc.). Car l’accueil familial ne se pratique en aucun cas "à huis clos" ; de nombreux tiers connaissent la personne accueillie, ses antécédents ... et la famille accueillante.
Cas A) Si les faits signalés sont bénins, des améliorations seront recherchées... avec l’accueillant. Faute de perspectives d’amélioration, le contrat peut être rompu ; au cours des deux mois de préavis, la personne accueillie a parfaitement le droit de s’absenter "pour convenance personnelle".
Cas B) Si les faits signalés contreviennent aux conditions de l’agrément (Article L441-1 du CASF : "L’agrément ne peut être accordé que si les conditions d’accueil garantissent la continuité de celui-ci, la protection de la santé, la sécurité et le bien-être physique et moral des personnes accueillies, si les accueillants se sont engagés à suivre une formation initiale et continue organisée par le président du conseil général et si un suivi social et médico-social de celles-ci peut être assuré.") :
- Le président du Conseil Général engage la procédure prévue par l’Article R441-11 du Code de l’action sociale et des familles :
Lorsque le président du conseil général envisage dans les conditions prévues à l’article L. 441-2 de retirer un agrément ou d’y apporter une restriction, il saisit pour avis la commission consultative de retrait en lui indiquant le contenu de l’injonction préalable injonction préalable commission consultative.
(...) En cas d’urgence, l’agrément peut être retiré sans injonction préalable ni consultation de la commission précédemment mentionnée. et les motifs de la décision envisagée.
L’accueillant familial accueillant familial
accueillants familiaux Agréés pour prendre en charge à leur domicile des personnes âgées ou handicapées adultes n’appartenant pas à leur propre famille, les accueillants familiaux proposent une alternative aux placements en établissements spécialisés. concerné est informé un mois au moins avant la date de la réunion de la commission, par lettre recommandée lettre recommandée Le courrier recommandé peut être remplacé par une "Lettre remise en main propre en deux exemplaires contre décharge". Lors de sa remise, le destinataire doit écrire « Lettre reçue en main propre le (date de remise) », et signer. avec demande d’avis de réception, des motifs de la décision envisagée à son encontre. Il est invité à présenter à la commission ses observations par écrit ou à en faire part lors de la réunion de la commission. Il peut se faire assister par un conseil de son choix.
La commission délibère hors de la présence de l’intéressé ou de la personne qui l’assiste.
- En attendant l’aboutissement de cette procédure, le contrat d’accueil peut être maintenu ou rompu, comme en A) ... sachant que la loi ne prévoit aucune possibilité de suspension d’agrément.
Cas C) Seuls des faits avérés et particulièrement graves (agissements délictuels ou criminels, contre lesquels un signalement judiciaire est à engager sans délai) peuvent justifier le retrait immédiat de l’agrément et de la personne accueillie - Article L441-2 du CASF En cas d’urgence, l’agrément peut être retiré sans injonction préalable ni consultation de la commission précédemment mentionnée.
Jugement du TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE RENNES - N° 0902238
Audience du 29 mai 2009, Ordonnance du 3 juin 2009 (extraits)
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le juge des référés de la 4eme chambre du tribunal administratif de Rennes,
Vu la requête, enregistrée le 5 mai 2009, présentée pour Mme Valérie CHEHERE, demeurant 14 avenue Louison Bobet à Châteaulin (29150), par Me Le Fur ;
Mme Valérie CHEHERE demande au juge des référés du Tribunal,
- d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de la décision du 19 décembre 2008 par laquelle le président du conseil général du Finistère a suspendu son agrément pour l’accueil d’une personne adulte handicapée, ainsi que la suspension de l’exécution de la décision du 4 mars 2009 rejetant son recours gracieux,
- de mettre à la charge du département du Finistère une somme de 2 500 euros au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que :
Dans le cadre d’un contrat du 1er août 2008, passé avec l’UDAF elle a accueilli une personne adulte handicapée ; toutefois sur la plainte des sœurs de cette dernière, cet accueil a été remis en cause par les services du département qui sont venus rechercher la personne handicapée ; une plainte aurait été déposée auprès du Procureur de la République ; enfin, le président du conseil général a suspendu son agrément ;
La condition d’urgence est remplie car cette décision entraîne de graves conséquences financières pour elle et sa famille laquelle compte 4 enfants à charge ;
La procédure n’a pas respecté les dispositions de l’article L. 441-2 du code de l’action sociale et des familles ; de plus, la suspension de l’agrément est dépourvue de base légale ;
En l’absence de justification d’une délégation régulière de signature, la décision doit être regardée comme ayant été prise par une autorité incompétente ;
La décision attaquée est insuffisamment motivée ;
Elle porte atteinte à la présomption d’innocence et à l’article préliminaire du code de procédure pénale ;
La décision litigieuse est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ; le président du conseil général a confondu son rôle avec celui du Procureur de la République ;
Vu les décisions dont la suspension de l’exécution est demandée ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu l’instance au fond n° 0902237 ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de l’action sociale et des familles ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la délégation du président du Tribunal prise en vertu des dispositions de l’article L. 511-2 du code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir au cours de l’audience publique du 29 mai 2009 présenté son rapport et entendu les observations de Me Le Fur, avocat de Mme CHEHERE ;
SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE L. 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;
Sur l’urgence :
Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ;
Considérant qu’en l’espèce, eu égard à la diminution des revenus qu’entraîné la décision attaquée pour le budget de la famille de Mme CHEHERE, aux revenus qui lui restent et au montant de ses charges, l’exécution de cette décision préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à la situation de la requérante ; que, par ailleurs, faute notamment pour le département d’avoir produit ses observations dans la présente instance, l’existence d’une atteinte à un intérêt public ne résulte pas des pièces du dossier ; qu’il résulte de ce qui précède que la condition d’urgence doit être regardée comme remplie ;
Sur les moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision :
Considérant que, en l’état de l’instruction, le moyen tiré de ce que la suspension de l’agrément est dépourvue de base légale est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède, qu’il y a lieu de suspendre l’exécution des décisions attaquées des 19 décembre 2008 et 4 mars 2009 ;
SUR LES CONCLUSIONS TENDANT A L’APPLICATION DE L’ARTICLE L. 761-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du département du Finistère une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme CHEHERE et non compris dans les dépens ;
ORDONNE :
Article 1er : L’exécution des décisions des 19 décembre 2008 et 4 mars 2009 est suspendue jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur les conclusions tendant à leur annulation.
Article 2 : Le département du Finistère versera à Mme CHEHERE une somme de 1 000 euros au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme CHEHERE et au département du Finistère.
Fait à Rennes, le 3 juin 2009.
Fin juillet 2009, Valérie a reçu, du Conseil Général du Finistère :
- Un virement de 1.000 euros
- Par lettre recommandée, un arrêté portant retrait d’une décision du Président du Conseil Général : "Article 1er : La correspondance de Monsieur Le Président Conseil général portant décision de suspension d’agrément de Madame CHEHERE, résidant (...), en date du 19 décembre 2008, est retirée."
Valérie a donc récupéré son agrément mais attend encore
- des précisions sur les faits qui lui étaient reprochés,
- un jugement sur le fond de cette affaire
- le remboursement de son préjudice : départ de la personne accueillie sans préavis ni indemnités, plus 10 mois (d’octobre 2008 à août 2009) d’impossibilité puis d’interdiction d’accueil...
Suspension d’agrément. Le tribunal n’a pas eu à statuer
Le Télégramme, 25 septembre 2009 - auteur : Cathy Tymen
Le 29 mai, une famille d’accueil saisissait le tribunal administratif pour lui demander d’annuler la suspension de son agrément par le conseil général du Finistère. Celui-ci étant revenu sur sa décision, le tribunal n’a pas eu à trancher.
A la suite d’une plainte pour maltraitance déposée devant le procureur par la famille d’une personne handicapée placée en famille d’accueil à Châteaulin, le conseil général du Finistère avait, au motif du principe de précaution et dans l’attente des conclusions de l’enquête, suspendu, le 19 décembre 2008, l’agrément de l’accueillante, Valérie Chéhère.
Dix mois sans ressources
Se retrouvant, de fait, privée de ressources, cette mère de quatre enfants avait fait appel à Me Daniel Le Fur, de Brest, et avait saisi en référé le tribunal administratif. Par une ordonnance du 3juin, le juge des référés avait donné droit à sa requête en retenant le caractère de l’urgence, « eu égard à la diminution de revenus » qu’entraînait cette décision. L’agrément lui était rendu dans l’attente d’un jugement sur le fond devant intervenir mi-septembre.
Le conseil général retire sa décision
Finalement, le tribunal administratif n’a pas eu à trancher car dans un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2009, le président du conseil général, Pierre Maille, indiquait avoir retiré, le 24 juillet (soit après le dépôt de la requête), la décision attaquée du 19 décembre 2008.
« Le juge administratif, commente-t-on du côté du conseil général, avait en fait relevé une terminologie erronée. Au lieu du terme de "suspension", il aurait fallu utiliser le terme de "retrait". La plaignante a retrouvé son agrément et obtenu 1.000 EUR de dommages et intérêts ». Si elle est satisfaite d’avoir pu récupérer son agrément, Valérie Chéhère cache mal une certaine amertume. Elle n’a toujours pas obtenu un seul placement et déplore que le tribunal ait estimé qu’il n’y avait pas lieu à statuer.
« Je regrette que nous ne soyons pas parvenus jusqu’à l’étape du procès. J’ai l’impression d’avoir perdu dix mois pour rien ». Elle ajoute un commentaire sur le point de la terminologie employée : « Un retrait de l’agrément aurait impliqué la tenue d’une commission de retrait qui n’aurait pas pu trancher car il n’y avait rien dans le dossier ».
Affaire classée sans suite
Ce n’est que fin août, soit dix mois après le dépôt de plainte pour maltraitance, que le couple châteaulinois a été entendu par les gendarmes. « Le tribunal administratif n’a pas attendu la décision du juge pour me rendre mon agrément, fait remarquer la plaignante. Mais pour moi, il n’est pas question d’en rester là. On n’a pas le droit de retirer un agrément sans preuve. Il n’y avait rien dans le dossier. Légalement, le conseil général n’avait aucun droit de me le retirer. Ma réputation est entachée. Je n’ai toujours pas retrouvé de travail ».
Hier, le conseil général faisait savoir que le procureur avait classé l’affaire de maltraitance sans suite.
Second jugement (sans appel)
Tribunal administratif de Rennes, jugement N° 1100767 du 22 octobre 2015
Le département du Finistère est condamné à verser à Mme Chéhère
- une somme de 8 469,49 euros (en réparation de ses préjudices)
- une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative (au titre des frais exposés par Mme Chéhère et non compris dans les dépens).
Son préjudice était constitué de ses pertes de salaires nets (9.230,79 euros), de ses pertes de loyers (1.743 euros), de ses frais de transport pour se rendre au Conseil général et consulter un avocat (166,39 euros), des pertes financières qu’elle a subies du fait de l’absence de l’acquisition d’ancienneté d’un an lui permettant d’accueillir une seconde personne à partir du mois d’avril 2009 (6.999,99 euros), des frais bancaires qu’elle a dû exposer du fait des difficultés financières liées à la perte de son activité (1.836,20 euros), de frais d’annonces qu’elle a dû exposer pour retrouver une personne à accueillir (94 euros), des frais de constitution de son dossier (50 euros), d’un préjudice moral important pouvant être évalué à la somme de 10.000 euros, en raison du discrédit jeté sur ses qualités professionnelles et humaines à l’égard des tiers et notamment des administrations ou associations évoluant dans ce domaine.
... plus 7 années de tracas et de fastidieuses démarches